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La Bible comme la littérature - entre les lignes

Published: at 07:32 PM

La Bible est beaucoup de choses : un texte religieux, un best-seller, un guide pour une vie morale. Mais, c’est aussi une compilation de la littérature, une littérature étrangère à nos sociétés et notre ère.

Par exemple, une astuce fréquente pour les jeunes écrivains est : « show don’t tell » (montrer plutôt que raconter), mais la littérature de la Bible amène cela à un autre niveau. Ce qui peut remplir des dizaines des pages d’un livre d’aujourd’hui est élidé et le lecteur assume la besogne (et, nous allons voir, le plaisir) à combler les trous.

Il y a deux histoires (ou même deux phrases, deux miettes d’une histoire) qui m’attirent l’attention chaque fois que je les lis. Elles sont toutes les deux dans l’Ancien Testament, qui abonde en ces morceaux.

Le premier est l’histoire du mari de la femme de David. (Tu l’as bien lu correctement.) Mikhal est la fille du roi Saül, et Saül l’a offerte en mariage à David. Elle n’était pas sa préférée, et bien que nous voyions qu’elle aime David, le texte n’est pas clair sur la question des sentiments de David pour elle. Or, Mikhal est la Tammy Wynette des Hébreux, et elle aide David à s’enfuir quand Saül veut l’exécuter.

Et, voilà, nous arrivons à notre figurant : Paltiel. Saül continue sa malveillance et il décide qu’il s’en fiche du mariage de Mikhal et David, et il ordonne que ce soit Paltiel qui est maintenant le mari de Mikhal. La Bible ne dit presque rien de Paltiel, et, en fait, la seule information que nous avons sur sa nature est ce qui était probablement la pire expérience de sa vie.

Quand David est devenu roi, il demande à Ish-boshet, le frère de Mikhal (et le fils de Saül), le retour de Mikhal. Et, bon, voici la pire journée de la vie de Paltiel :

15 Ish-Bosheth la fit prendre chez son mari Palthiel, fils de Laïsh. 16 Son mari la suivit en pleurant jusqu’à Bachurim. Abner lui dit alors: «Va-t’en, retourne chez toi!» Et il retourna chez lui.

La traduction « La Bible du Semeur » omet le point d’exclamation : « Là, Abner lui ordonna de retourner chez lui – et il s’en alla. »

Deux phrases et seulement deux phrases engendrent tant de questions ! Pourquoi pleure Paltiel ? Croyait-il qu’il pouvait empêcher Abner, le serviteur du roi, de prendre Mikhal ? Et par rapport à Abner, a-t-il renvoyé Paltiel chez soi avec le mécontentement d’un fonctionnaire obligé à s’occuper d’une tache ennuyeuse, ou avec pathos pour ce pauvre homme impuissant ? Le texte ne nous dit pas.

La deuxième histoire est bien plus petite. En fait, ce n’est pas une histoire, mais plutôt un bout d’un récapitulatif des travaux publics. Au milieu d’une liste des ouvriers d’une reconstruction de la muraille de Jérusalem, nous lisons :

A côté d’eux travailla, avec ses filles, Schallum, fils d’Hallochesch, chef de la moitié du district de Jérusalem.

Attends. Les filles travaillent à côté de leur père ? Ce n’était pas normal pour cette époque, mais encore le texte n’entre pas dans les détails. Il y a ceux qui supposent qu’elles nourrissaient les ouvriers de leur père, mais le texte ne note pas d’autres filles avec la même responsabilité. Ou peut-être, elles ont financé le projet, mais nous lisons ailleurs qu’il n’était pas nécessaire. Encore, c’est à nous à combler les trous. (Moi, j’aime bien penser qu’elles se sont retroussé les manches, genre Rosie the Riveter.)

Ces deux miettes montrent, à mon avis, la richesse littéraire que l’on trouve dans la Bible et montrent encore plus pourquoi elle continue à influencer la littérature de nos jours.